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Remise en liberté

Contrôle de la courbe de poids

Un jeune martinet élevé à la main doit être pesé tous les jours avec un pèse-lettre ou une balance de précision.

 

A l’éclosion, un martinet pèse 2-3 grammes. Durant les quarante à quarante-cinq jours qu’il passe au nid, il atteindra un poids pouvant varier entre 45 et 55 grammes, avec, parfois, des pointes passagères à plus de 60 grammes. Peu avant de quitter le nid, le jeune martinet perd quelques grammes. Il refuse la nourriture de plus en plus souvent et « perd du lard », tandis que la graisse est transformée en muscle. Grâce à la pratique répétée de « pompes », au cours desquelles il se soulève sur ses ailes déployées, il détermine instinctivement son poids idéal, qui résulte du rapport entre son envergure et son poids corporel (WRIGHT et al. 2006). Il ne faut donc pas s’inquiéter, ni prendre des  « mesures de rétorsion » lorsqu’un jeune martinet presque volant se met soudain à refuser toute nourriture ! Cette « cure d’amaigrissement » a sa raison d’être : un « gros lard » de 48-50 grammes aurait, au décollage, toutes les peines du monde à s’élever dans les airs.

 

Courbes de poids d’un jeune martinet de la nature (Weitnauer 1980) et d’un jeune élevé à la main au centre de soins de Francfort.

En abscisse : âge en jours En ordonnée : poids en grammes Tracé noir : jeune de la nature Tracé gris : jeune élevé à la main

 

 

D’après de récentes études, les jeunes martinets élevés par leurs parents adoptent le même comportement alimentaire que ceux élevés à la main. Contrairement à ce qu’on croyait jusqu’à présent, ce ne sont pas les adultes qui rationnent les jeunes quelque temps avant leur envol, mais les jeunes eux-mêmes qui refusent la nourriture apportée par leurs parents, incitant ces derniers à réduire la fréquence de nourrissage. Les jeunes martinets ne quitteront pas le nid avant d’avoir atteint leur poids idéal (cf.précédemment). Ce comportement ne s’observe que si les conditions météorologiques sont favorables et que la nourriture a été suffisante.

 

Pour être relâché, un martinet élevé à la main ne devrait pas, en théorie, peser moins de 40 grammes, car ses réserves risqueraient d’être insuffisantes. Vous devez donc être très attentif à sa courbe de poids, et vous assurer de son embonpoint en touchant son bréchet.  

 

Notez toutefois qu’il y a des martinets extrêmement petits et d’autres extrêmement grands. Les indications concernant le poids sont donc relatives. A 35 grammes, un martinet petit modèle peut être bien nourri et présenter un bon embonpoint, tandis qu’un congénère grand modèle serait, au même poids, proche de l’inanition et devrait subir des injections.

 

Tailles extrêmes chez des adultes : 185 mm de longueur alaire pour le martinet du premier plan et 160 mm pour celui du second plan (de l’épaule à la pointe de l’aile) © C. Haupt

Quand le jeune martinet est-il apte à voler?

 

Outre le poids, il existe d’autres indices permettant de déterminer avec une quasi-certitude si un jeune martinet est prêt pour l’envol ou non:


-    il est agité et s’entraîne au vol avec entêtement. Le soir, il fait preuve d’une activité presque fébrile.
-    il recrache la nourriture de plus en plus souvent et finit par refuser de s’alimenter. Grâce à la pratique intensive de « pompes », il détermine lui-même son poids idéal, qui résulte du rapport entre son envergure et son poids corporel.
-    il passe beaucoup de temps à se nettoyer et à lisser ses grandes plumes avec le bec.
-    l’indice le plus fiable est le plumage : regardez attentivement le dessous des ailes et écartez délicatement les plumes de couverture. Vous verrez alors nettement les gaines, qui ressemblent à de petits tuyaux gris-blanc. C’est seulement lorsque ces gaines ne sont plus apparentes que les plumes sont entièrement formées.

 

Tant que les gaines des grandes plumes sont visibles, l’oiseau n’est pas volant. © I. Polaschek
Ce jeune martinet n’est pas volant, ses gaines sont encore bien visibles. © E. Brendel
Ce martinet est volant, car ses gaines ne sont plus apparentes. © E. Brendel

Si votre protégé se comporte comme décrit ci-dessus et si son plumage est entièrement formé, il est en mesure d’être relâché. Dans la nature, les jeunes martinets passent des jours et des jours sur le bord du nid à regarder l’extérieur. Puis ils s’enhardissent et passent la tête dehors, de plus en plus souvent, avant de tenter le grand saut. La sortie du nid s’effectue généralement après le coucher du soleil.
Nous nous écarterons des lois de la nature et prendrons soin de relâcher notre oiseau durant la journée. En effet, il peut arriver que, pour une raison quelconque, votre oiseau ne soit pas encore prêt à partir ou pas en état de le faire à cause d’une blessure ou d’un autre problème non décelé. Si le relâcher doit se terminer par un atterrissage sur le ventre, il sera bien plus facile de retrouver l’oiseau en plein jour qu’à la tombée de la nuit.
Pour cette même raison, on évitera de relâcher un martinet à proximité d’une forte concentration de végétation, comme un champ de céréales par exemple. Et il est recommandé de poster deux ou trois personnes à des endroits bien dégagés, afin de pouvoir suivre au mieux le baptême de l’air du jeune martinet.


Comment se passe le relâcher?

 

L’idée selon laquelle il faut lancer en l’air un martinet pour qu’il prenne son envol continue malheureusement à faire des ravages, principalement chez les oiseaux encore non volants, blessés ou en état de choc. Certes, il y a des martinets qui, au moment du départ, sont tellement nerveux qu’ils sautent de la main et tombent « sur le nez » ; vous pouvez, dans ce cas-là, donner un léger élan à votre protégé lors de sa seconde tentative. Il convient cependant d’arrêter immédiatement les essais si l’oiseau tombe au sol deux, voire trois fois de suite. La présence d’un handicap non décelé est alors fortement probable – une déchirure ligamentaire ou une fracture ancienne par exemple, qui devront être mises en évidence à l’aide d’une radio.

Qu’ils soient jeunes ou adultes, les martinets prennent leur envol en se laissant tomber d’un endroit surélevé, avant de remonter dans les airs en quelques coups d’ailes. Et contrairement à ce qu’on croit, un martinet adulte, fort et en bonne santé peut aussi décoller du sol, à condition qu’il ait devant lui une « piste d’envol » plate, dépourvue de végétation et longue de deux à trois mètres.

 

Prêt pour le décollage. © C. Haupt

A quoi faut-il être attentif au moment du départ ?


Choisissez un endroit tranquille, peu passant, doté d’une bonne visibilité – une route secondaire ou un petit terrain de sport, par exemple. Les grands espaces, comme les prés et les champs, ne sont pas forcément les meilleurs endroits, car le martinet est isolé et peut être une proie facile pour un faucon ou un épervier. Dans une rue étroite en revanche, le martinet au décollage est protégé par les habitations, comme lorsqu’il quitte le nid.

Faites très attention aux faucons! Si les faucons hobereaux et les faucons pèlerins, tous deux prédateurs d’oiseaux, sont plutôt rares, les faucons crécerelles, en revanche, comptent un grand nombre d’individus et connaissent une forte expansion en zone urbaine, où ils chassent volontiers les oiseaux. Ils peuvent donc constituer un véritable danger pour le jeune martinet encore inexpérimenté. Si vous voyez un faucon tournoyer dans les airs ou perché à proximité du lieu de départ du martinet, vous devez différer le relâcher ou chercher un autre endroit. Si le rapace surgit dans le ciel tel un éclair après le relâcher, il ne vous reste plus qu’à tenter de l’effrayer par des cris ou en tapant des mains. Toutefois, le résultat n’est pas garanti. C’est seulement lorsque le martinet aura effectué plusieurs centaines de mètres en vol, qu’il aura pris de l’assurance et gagné de l’altitude, qu’il sera, de façon presque certaine, à l’abri d’une attaque.

Arrivé à l’endroit que vous avez choisi pour le départ de votre protégé, mettez-vous face au vent, afin qu’il ait suffisamment d’élan au décollage. Placez-le dans la paume de votre main, levez la main au-dessus de votre tête et attendez ! Souvenez-vous qu’il s’apprête à vivre un grand événement ! C’est pourquoi vous ne devez ni le presser ni essayer de le faire bouger s’il hésite. Toutefois, s’il se montre très apeuré et se met à marcher à reculons dans votre main, ou s’il se hérisse comme pour se protéger du froid, renoncez et faites une nouvelle tentative le lendemain ou le surlendemain – il n’est peut-être pas encore prêt pour la liberté.

En général cependant, vous n’aurez pas à attendre longtemps : curieux, excité, le jeune martinet tourne la tête dans tous les sens. En lui s’affrontent la crainte de l’inconnu et l’envie irrépressible de s’envoler. Son départ sera plus facile s’il voit tournoyer au-dessus de lui d’autres martinets et qu’il les entend crier. Vous le verrez alors se mettre à trembler, s’arc-bouter et faire une fiente – puis soudain, quitter votre main…

 

C’est l’oiseau qui décide du moment de son départ. © P. Hartmann
Ça y est ! Le voici qui effectue son premier battement d’ailes dans le ciel – Wings over the world! © P. Hartmann

C’est un moment fort d’assister au départ d’un jeune martinet et de le voir, un peu hésitant d’abord, s’élever dans le ciel en quelques puissants coups d’ailes, prendre de la vitesse et, entre deux loopings, gober quelques insectes, comme s’il avait fait cela toute sa vie. Il est toujours étonnant de voir avec quelle rapidité notre martinet se retrouve entouré par ses semblables, qui l’invitent à les rejoindre. Parfois, ils s’approchent de lui au plus près, comme pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un « vrai » martinet!


Complications au décollage

Il n’est pas rare que votre protégé fasse tout pour vous donner des sueurs froides et dévie soudainement de sa trajectoire de vol pour filer en direction des maisons ou des arbres, ou risquer la collision frontale avec un obstacle. Ce virtuose du vol réussit généralement à changer de cap à temps et à prendre de l’altitude ; cependant, vous n’en êtes pas toujours certain. Ceux qui ont déjà élevé et relâché des martinets ont déjà vécu des heures d’angoisse passées à la recherche de leur protégé dans d’épais buissons, de luxuriants jardins ou de vastes champs ! Il est extrêmement difficile de suivre l’oiseau des yeux lorsque l’arrière-plan est constitué d’arbres ou de maisons.

Malheureusement, le relâcher peut aussi mal se terminer. Pour des raisons incompréhensibles, il arrive que l’oiseau heurte une maison de plein fouet, entre en collision avec une ligne à haute tension, pique tout droit sur une voiture ou sur un pare-brise. Il peut aussi être capturé par un faucon ou, le pire du pire, s’échouer quelque part et demeurer introuvable. C’est la façon la plus terrible dont puisse se conclure l’élevage d’un martinet.


Un martinet élevé à la main saura-t-il se débrouiller dans la nature?

Oui, absolument ! Les jeunes élevés par leurs parents doivent eux aussi se débrouiller seuls lorsqu’ils quittent le nid. Ils sont aptes à voler et à chasser les insectes ; ils connaissent la route pour rejoindre leurs quartiers d’hiver et savent instinctivement adopter les comportements propres à leur espèce. Chez les martinets, il n’y a pas de période d’apprentissage comme chez les oiseaux chanteurs. Les jeunes élevés à la main n’ont donc pas besoin d’une réadaptation à la vie sauvage, contrairement à une mésange ou à un merle élevé par l’homme.

Vous n’avez donc pas à vous inquiéter lorsque vous voyez votre protégé prendre son envol pour aller vers le destin que lui impose son espèce. Il n’a plus besoin d’aide et sait de façon innée ce qui est nécessaire à sa survie. Pendant les deux ou trois années qui suivent son relâcher, il parcourra le ciel de manière presque ininterrompue. S’il ne lui est rien arrivé entre-temps, il reviendra sur les lieux de son départ l’année qui suit sa remise en liberté, et se mettra peut-être déjà en quête d’un endroit pour nicher.


Les relâcher tard dans la saison? Les transporter? Les faire hiverner sur place?
Lorsque des jeunes issus de couvées tardives quittent le nid, leurs congénères sont en général déjà partis. Si votre protégé n’est apte à voler qu’en septembre, voire plus tard, vous pouvez le relâcher sans souci. Vous veillerez toutefois à choisir pour ce faire une journée chaude et ensoleillée. Il est indispensable de consulter auparavant les bulletins météo pour l’Allemagne, la France, l’Espagne et les Alpes, afin que l’oiseau ne se dirige pas vers une zone de mauvais temps.

Il est établi que les populations de martinets d’Europe de l’Ouest survolent, pour se rendre en Afrique, le sud de l’Allemagne, la France, l’Espagne et Gibraltar. Cependant, il existe aussi une route migratoire au sud-est, qui passe par les Alpes. En octobre et en novembre, il peut y avoir encore quelques martinets isolés venant de régions septentrionales, auxquels le jeune martinet pourra se joindre. Il est déconseillé toutefois d’effectuer des relâchers après la deuxième semaine d’octobre ou lorsque sévit une période prolongée de pluie, de vent et de froid. Dans ce cas, il faut donc trouver un moyen pour acheminer l’oiseau vers le sud et vers des temps plus cléments, en voiture, en train ou en avion!

Faire hiverner dans nos régions un martinet volant et en bonne santé parce qu’on croit ne pas avoir le choix, c’est le condamner de façon presque certaine. Ses muscles de vol s’atrophieraient et à la longue, il se mettrait à dépérir physiquement et psychologiquement, maintenu en captivité et privé de la compagnie de ses semblables. Conçu pour voler en permanence, son corps supporterait mal la station couchée pendant des mois et des mois, et l’oiseau développerait des problèmes de plumage, des callosités, des problèmes respiratoires et autres. Il deviendrait en outre de plus en plus sensible aux infections bactériennes et aux champignons, car le système immunitaire d’un martinet en captivité est fragilisé.


Si vous recueillez un martinet tard dans la saison, prenez impérativement contact avec la DGfM. Notre centre de soins a déjà accueilli de nombreux pensionnaires en long séjour. Nous connaissons bien leur mode de fonctionnement et disposons d’un protocole médical éprouvé. De plus, des départs vers le sud sont organisés régulièrement en automne et en hiver, permettant de donner une seconde chance aux jeunes martinets retardataires.

 

 

 

Quand il n’y a plus d’espoir...

Le martinet est une créature faite pour voler, et quiconque a déjà observé les acrobaties aériennes des adultes et l’invincible attrait des jeunes pour l’immensité du ciel, sait qu’ils ne peuvent pas vivre autrement. Garder un martinet en captivité serait, en dehors du fait que cela est interdit et puni par la loi, un acte irresponsable et cruel. Il arrive malheureusement que des martinets soient, pour une raison ou une autre, inaptes à voler. Les personnes qui s’en sont occupées et, pour nombre d’entre elles, qui ont mis tout leur cœur à les soigner, nous demandent alors si leur protégé, par ailleurs en bonne santé, ne peut pas vivre en captivité.

La réponse est : NON !

Souvenez-vous du mode de vie du martinet. Ce serait d’une cruauté indicible de refuser la liberté et le plaisir du vol à cet oiseau, fait plus que tout autre pour évoluer dans les airs. Pour un martinet, devoir vivre en captivité et être nourri de force est pire que la mort.

Ne versez pas dans un sentimentalisme excessif, qui, en réalité, n’est autre que votre refus de la séparation, et peut vous inciter à agir de la manière la plus égoïste qui soit ! En effet, l’oiseau ne ressent pas la pitié que vous éprouvez pour lui ; tout ce qu’il sait, c’est qu’étant captif, il souffre. Un martinet, jeune ou adulte, qui n’a plus aucune chance d’être relâché, doit être euthanasié par un vétérinaire. Ce geste est le plus beau cadeau – et le seul – que vous puissiez faire à votre ami, car parfois, la vie est pire que la mort. Certes, la décision n’est pas facile à prendre, en particulier quand on s’est occupé d’un animal pendant longtemps et avec abnégation. Mais justement:

Ne pensez pas à vous, mais à « votre » martinet, et ne lui imposez pas le martyre d’une vie de prisonnier condamné à la solitude et d’un lent dépérissement!

 

Terrible image que celle de ce martinet apathique, malade et proche de la mort, après deux années de captivité et de solitude. Pour lui, il est trop tard… © Vogelklinik Gießen

Buchenstraße 9
D-65933 Frankfurt

Tel.:+49(69)35 35 15 04
Nous ne prenons en charge que les martinets! Pour les autres espèces, veuillez vous adresser aux centres de soins des différentes régions:
http://ufcs.fr/
 
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