Chers amis des martinets,
C’est à n’y pas croire: un martinet juvénile n’ayant pas encore atteint l’âge d’envol nous est tombé du ciel en décembre, tel un flocon noir! Mais qui sont donc ces martinets qui nichent aussi tardivement? Un couple de martinets pâles de Savone, en Italie. Leur petit est désormais en sécurité chez nous. Cent dix-huit pensionnaires se trouvent actuellement dans nos locaux; la plupartd’entre eux présentent des problèmes de plumage, que nous résolvons petit à petit. La liste d’attente des oiseaux en provenance d’autres centres de soins est longue. Nos capacités d’accueil et l’urgence de la situation dans les centres dictent le rythme des arrivées. Nous nous apprêtons à accueillir plusieurs oiseauxen provenance de Barcelone: trois martinets alpins, un martinet pâle et deux martinets noirs. Ensuite, ce sera le tour de quatre martinets en provenance d’Eisenach. Nous poursuivons notre mission, avec, parfois, la surprise de voir surgir inopinément, tel un sous-marin, un martinet que nous n’attendions pas, comme le petit Pallas, notre martinet pâle italien!
Nous avons accueilli jusqu’à présent six cent dix-huit martinets durant l’année 2019; la saison a débuté en avril, mais nous avions encore quarante-sept pensionnaires de l’année passée, qui étaient en attente de mue. Parmi ces derniers figurait l’adulte Malte, originaire de Dresde (Allemagne), dont nous avions évoqué l’histoire dans notre lettre de Noël de 2018; peut-être vous en rappelez-vous? Malte, dont le plumage a été saccagé à deux reprises par de la pâte répulsive contre les pigeons et qui a eu la chance insigne d’être découvert les deux fois. Le 5 juin 2019, nous l’avons relâché, juste à temps pour qu’il puisseretourner à Dresde et peut-être y nicher. Pourvu qu’il n’ait pas trouvé son nid rebouché et inaccessible! Aucune manœuvre d’approche ou entrée dans le nid n’a malheureusement pu être observée. Toutefois, avant que Malte ne soit relâché, le bâtiment a été une nouvelle fois inspecté afin de s’assurer de l’absence de pâte répulsive, et il a en a été déclaré exempt. Espérons-le!Derrière les innombrables arrivées de martinets adultes aux mois de mai et juin, se cachent de terribles histoires. Celle de Mira, par exemple: ce martinet noir avait bâti son nid très haut, dans une grange. Elle s’est fait attraper en plein vol par le chat de la ferme, qui était monté sur une voiture garée devant la grange. Grâce à ses cris désespérés, elle a fini par être découverte et retirée de la gueuledu chat. La peau lacérée en plusieurs endroits, plus morte que vive, elle a été transférée chez nous, où, pendant des jours, nous avons lutté pour la maintenir en vie. Mira a survécu, mais il a fallu plusieurs mois avant que ses plaies aient guéri complètement et que ses plumes, dont beaucoup avaient été arrachées, aient repoussé. Le 3 août 2019, Mira retrouvait enfin la liberté, après un été passé en captivité...
Nous avons recueilli également plusieurs couples de martinets noirs, victimes de travaux de rénovation: certains avaient le plumage collé par de la mousse expansive, comme Rhagnar et Lagertha, originaires de Leonberg ou souillé par de la peinture; d’autres se sont retrouvés au sol, grièvement blessés, après avoirtenté en vain de pénétrer dans leur nid, qui avait été rebouché. La campagne de destruction des oiseaux nichant dans les bâtiments s’est poursuivie en tout lieu avec, parfois, une inimaginable cruauté. Nous traitons de très nombreuses affaires de délits perpétrés contre des espèces protégées et nous ne nous faisons pas que des amis, comme l’a prouvé cette lettre de menaces anonyme, à laquelle étaient joints un piège collant illégal, assorti de deux cadavres de martinets noirs. Il n’y a pas de mots pour qualifier une telle cruauté.- 2 -
Âgé de huit jours seulement, encore aveugle et nu: c’est ainsi que nous est arrivé Arkadi, notre premier bébé de la saison. Originaire de Pohlheim, il a été découvert le 19 juin 2019. Dans les jours qui ont suivi, les victimes de la canicule et celles des travaux de rénovation sont venues remplir nos locaux à la vitesse de l’éclair.
Cette année, la plupart des bébés martinets que nous avons reçus n’étaient âgésque d’une à deux semaines. Sachant qu’ils doivent atteindre l’âge de six semaines pour prendre leur envol, ils sont restés chez nous beaucoup plus longtemps que leurs congénères des années précédentes. S’occuper d’un nombre extrêmement haut de pensionnaires durant une longue période constituepour nous un vrai casse-tête et un véritable défi. Nous avons dû attendre la fin dumois de juillet pour voir s’envoler nos premiers juvéniles.
J’aimerais vous raconter maintenant une histoire particulièrement tragique: celled’une famille de martinets noirs originaire de Mayence. Au moment de démolir une maison, un jeune ouvrier découvre deux martinets adultes et trois bébés, quise cramponnent désespérément à une planche. Il nous apporte les pauvres bêtes, désobéissant ainsi au chef de chantier, qui le lui avait interdit! Les martinets adultes ne nourrissant pas leur progéniture en dehors du nid, c’est nous qui prenons le relais des parents. Nous relâchons les deux adultes, Catelyn et Eddard, le soir même. Ils n’hésitent pas une seconde et repartent à tire- d’ailevers Mayence...Nous savons qu’ils ne retrouveront rien, ni leur maison, ni leur nid, ni leurs petits, et cela nous brise le cœur.
L’activité au centre de soins s’accompagne de toute une palette d’émotions: le respect face aux capacités de ces oiseaux, à la force et à la volonté avec lesquelles ils renaissent de leurs cendres; la colère contre les humains, qui violent les lois en toute connaissance de cause, la colère encore, lorsque nous accueillons des oiseaux que l’on a nourris en dépit du bon sens et qui ont souffertmille morts; la tendresse pour ces douces créatures; le bonheur de voir repartir un martinet pour lequel nous nous sommes battus sans relâche; la gratitude, parce que nous sommes autorisés à abréger les souffrances d’un animal dont le pronostic est sans espoir; la tristesse, lorsque nous perdons un martinet qui nousétait particulièrement cher; la joie de voir briller les yeux d’un oiseau que nous nous apprêtons à relâcher; et la certitude que nous sommes dans le vrai en nous battant pour chaque martinet, même si nous ne pouvons pas les sauver tous.
Nous allons passer les fêtes de fin d’année avec les oiseaux les plus merveilleux qui soient. Le nourrissage, la rééducation, le ménage, les retouches de plumage,les soins médicaux, les greffes de plumes ne laissent de temps libre ni pour la détente ni pour le recueillement. Chez nous, ce n’est pas «Douce Nuit» que vous entendrez retentir, mais les modulations puissantes des martinets alpins, auxquelles viennent se joindre les cris stridents des martinets noirs, comme si ce petit monde voulait d’ores et déjà nous préparer à la saison suivante. Pour nous, cette saison n’aura lieu que si tous ceux qui nous soutiennent, et que nous remercions de tout cœur, continuent à le faire: nos bénévoles internes et externes, nos membres, les sponsors, les donateurs, les parrains, nos fournisseurs, les récupérateurs, les centres de soins partenaires, nos amis Facebook, les autorités avec lesquelles nous collaborons, et bien sûr, l’extraordinaire fondation Pro Artenvielfalt ! Nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël et une belle année 2020 ! Nous savons que de nombreux défis nous attendent - relevons-les ensemble!
Les membres du conseil d’administration et l’équipe du centre de soins