« Il y aurait de quoi gâcher l’humeur du plus patient des martinets. On donne tout pour rejoindre le plus tôt possible son site de nidification, dans le nord de l’Allemagne, et voilà qu’on se retrouve pendu contre le toit, avec une aile dans le vide, et qu’en plus, on se casse le pied! Avec trois plumes en moins et affligé de sales douleurs, on atterrit chez les humains, où on vous fourre des insectes dans le bec en longueur de journée, avant de vous coller dans un carton et de vous trimbaler sur les routes d’Allemagne. Les heures passent et on est enfin sorti de notre boîte. Que voit-on alors? Des congénères, plein de congénères dans toute la pièce! Par contre, c’est toujours la même pitance. Puis on vous fait sournoisement une piqûre; là, vous sombrez, c’est le black-out total; quand vous vous réveillez, vos plumes sont à nouveau dignes d’un martinet, mais vous vous retrouvez avec un bandage au pied. Les copains disent que c’est la clinique des martinets et que les bandages et autres réjouissances du même genre, c’est monnaie courante. Moi, je me suis réveillé avec des plumes neuves, mais certains se réveillent avec des plumes en moins, c’est selon. Ça met pas vraiment en confiance, n’est-ce pas? Une semaine plus tard, sans le bandage, et après avoir tourné bêtement dans une grande pièce - la « salle de rééducation », jusqu’à ce que les humains se mettent à sauter sur place pour vous attraper en trouvant ce petit jeu pas drôle du tout, on vous emmène dehors et là, enfin, vous vous échappez, oui, j’ai bien dit « vous vous échappez » de ces satanées mains. À vous la liberté ! À vous le ciel ! Mais qu’est-ce là en-bas?! C’est pas le même fleuve, c’est le Main, et non la Weser ! Alors vous survolez Francfort dare-dare, comme vous l’aviez fait deux semaines plus tôt, et vous mettez le cap sur le nord…! » – Voilà le compte rendu de Kalini, notre Brêmois grincheux.
Kalini est l’un des presque quarante martinets adultes que nous avons déjà eus en soins depuis le début de la période de nidification. Pour nombre d’entre eux malheureusement, l’issue n’a pas été bonne: originaire de Mühlheim, Nadav a été capturé par un chat, qui lui a broyé une aile. Hannah, originaire de Messel, s’est retrouvée avec une luxation du cristallin à la suite d’un choc. Eroica, de Francfort, a trouvé l’accès à son nid fermé par un échafaudage; après avoir tenté en vain d’y pénétrer, elle s’est échouée au sol avec les os de la main en miettes. Fallada, de Francfort également, s’est disloqué l’épaule lors d’une collision : son nid était occupé par des …bourdons, mais il a voulu y entrer à tout prix. La fatalité, mais aussi certains comportements humains, font chaque année de nombreuses victimes.
D’autres martinets comme Léonie, de Hanau, Lyra, de Ingelheim et Athelstan, de Bad Nauheim, se sont retrouvés par terre en raison du froid et de la pluie de ces derniers temps. Actuellement, ils reprennent des forces dans nos caisses de soins intensifs chauffées, où ils bénéficient d’une nourriture reconstituante. Nous espérons qu’ils pourront bientôt s’élancer vers le ciel. Douze petits veinards, dont Kalini, le mal embouché, ont déjà retrouvé la liberté: parmi eux, certains s’étaient tout simplement trompés de direction, comme Tiberius, trouvé à Francfort; d’autres ont dû soigner pendant quelques jours leur tête bourdonnante à la suite d’un léger traumatisme, comme Shmulik, de Kadenbach, Yair, de Ellern, et Lorcán, de Schwalbach.
Leonidas, trouvé dans le quartier de Francfort Westend, et Elijah, grièvement blessé et découvert à Stuttgart, présentent tous deux d’importantes lésions du plumage, et constituent ainsi nos premiers patients de la saison en long séjour. Nous attendons aussi, en provenance de Hambourg, notre premier patient victime de mousse expansive, consternant et triste exemple de la brutalité et de l’ignorance humaines vis-à-vis des oiseaux nichant dans les bâtiments. Les oiseaux souffrant de problèmes orthopédiques, accompagnés de contusions au niveau des épaules, de déchirures, d’infirmités, devront eux aussi effectuer un séjour prolongé dans nos locaux, comme Joris, originaire de Mannheim, Inigo, de Siegen et Noah, de Ober-Olm, resté pendant plusieurs heures dans une cour, sous une pluie battante. Nous n’aurons de cesse de le répéter: un martinet au sol est toujours en détresse et il doit être mis à l’abri sur le champ! Ne le laissez pas au sol, n’essayez pas de le faire s’envoler, ni de lui donner à manger! Prenez contact avec le centre de soins le plus proche de chez vous.
De nombreux autres martinets blessés nous seront certainement apportés au cours de la saison, et nous ferons de notre mieux pour en sauver le plus possible. Chaque geste de soutien est précieux, que ce soit un don ou une aide sur le terrain. Ainsi, nous sommes toujours à la recherche de récupérateurs disposés à effectuer les trajets vers un centre de soins ou vers notre clinique. Si vous êtes disponible et que la cause des martinets vous touche, faites-vous connaître directement par mail ou par téléphone, ou par le biais de notre groupe Facebook « Mauersegler Taxi Bundesweit ».