Il y a un moment que les relâchers de masse, qui ont jalonné le cœur de l’été, sont terminés. Terminés aussi ces jours où, après des prouesses de logistique et d’organisation, des groupes de dix à quinze martinets juvéniles étaient relâchés presque à la chaîne depuis la fenêtre de la salle de rééducation. Tout feu tout flammes, ils partaient vers le ciel comme des boulets de canon, avant d’être accueillis par des congénères enchantés. Maintenant, les martinets ont déserté le ciel, et le crécerelle qui habite le quartier se verrait bien, tout comme ses rejetons, croquer un petit martinet bien dodu. Au fait de ses intentions, nous avons délocalisé nos relâchers et renoncé à faire partir des individus isolés.
Nous effectuons donc nos relâchers depuis la maison d’une bénévole, qui habite de l’autre côté du Main, dans le quartier résidentiel de Goldstein. Jusqu’à présent, tout s’est bien passé, Dieu merci ! Ces derniers jours, ce ne sont pas moins de quatorze martinets qui ont entamé leur grand voyage vers l’Afrique. Parmi eux et pour notre plus grand bonheur figure Oskar, un pensionnaire de la saison 2015 originaire de Berlin. Les autres étaient des juvéniles, qui, pour la plupart, venaient d’atteindre l’âge de voler : Pelle le Conquérant, originaire de Kiel, les Polonais Franek et Olek, les anciens crève-la-faim Illidan, Kalyan, Regulus, Markus, Hazel et Cesare. Originaire d’Augsbourg, Priya avait été nourrie avec de la viande. Ses rémiges étaient tombées, puis avaient repoussé. Après de nombreuses séances de rééducation, elle a pu enfin partir avec ses camardes. Certaines histoires sont particulièrement émouvantes: la délicate Sesemi, l’une des quatre locataires de la fameuse « boîte à bonheur » (cf chronique Adieu, Justus !) vole maintenant pour son frère Justus, décédé, dont la photo orne notre profil Facebook. La jeune Ianthe avait déjà pris son envol, mais elle était tombée sur un balcon et s’était retrouvée, par un mauvais hasard, dans un grand vase posé au sol. Elle a failli connaître une mort atroce: la pauvre bête est restée prisonnière pendant trois jours, avec de l’eau stagnante jusqu’au ventre, avant d’être découverte par miracle. Quand nous l’avons accueillie, elle était mouillée, glacée et poussait des cris de frayeur… Dix jours plus tard, elle partait, triomphante, dans le ciel azur!
Quant au petit Stuart Little, il a connu une véritable résurrection. Lorsque ses découvreurs nous l’ont apporté, un jeune couple de Wiesbaden qui attendait son premier enfant, il ne pesait que 18 grammes et il était quasiment mourant...Grâce à la chaleur de mains protectrices, il a passé la première nuit. Pendant encore toute une semaine, nous avons lutté pour cette petite vie qui menaçait de s’éteindre. Puis tout doucement, nous avons vu que la balance basculait du bon côté. Quel bonheur ce fut de le voir réclamer ses premiers grillons ! Stuart Little est devenu un petit oiseau solide et craintif, dont les premiers essais de vol dans la salle de rééducation nous ont comblés de joie! La mort n’avait pas voulu de lui ! Parmi tous les martinets que nous avons relâchés ces derniers jours, c’est lui qui nous a offert le plus beau des cadeaux: nous avons pu admirer son vol tout en force et en élégance pendant de longues minutes, puis il a disparu dans le ciel, comme absorbé par le soleil. Né tout récemment, le fils de ses découvreurs ne saurait espérer meilleur ange gardien…